De taille courte, 1m60 environ, cheveux blancs, démarche difficile, il claudique car il a un membre inférieur plus court que l’autre. Nous l’appellerons Justin. Justin est un homme de 65 ans, marié, père d’un enfant âgé de 25 ans, sans profession – Justin ne travaille pas ou ne travaille plus. Il a un casier judiciaire vierge. C’est dans la nuit du dimanche 17 septembre au lundi 18 septembre 2023 que les faits se sont déroulés dans le village de Mougnon dans la commune de Djidja. Endormie dans sa case située non loin de son poulailler, dame Ayaba entend vers 3h du matin, des caquètements inhabituels de ses volailles qui semblent de défendre des mains d’un être humain. Inquiète mais aussi apeurée, dame Ayaba réveille son fils qui dormait dans la même case qu’elle. Tous les deux, munis d’une lampe torche et armés uniquement de courage, sans autre arme de défense, sortent de la case et se dirigent vers le poulailler. Là, à leur grande surprise, ils tombent nez à nez sur un homme qui en sortait avec deux poulets à la main. Dame Ayaba et son fils se mettent aussitôt à crier o voleur en langue fon pour ameuter le village. Justin est tétanisé. Il ne peut s’enfuir puisqu’il est handicapé. Conduit au commissariat de police de Mougnon, Justin est gardé à vue pendant 72 heures environ, puis il est déféré devant le procureur de la République du tribunal de première instance d’Abomey. Placé sous mandat de dépôt et détenu à la prison civile d’Abomey pendant près de deux semaines, Justin a comparu à l’audience du 27 septembre dernier devant Tribunal d’Abomey. A l’appel de son dossier aux environs de 16h, Justin, en tenue de prisonnier, se lève et avance difficilement vers la barre. La présidente du tribunal lui lance : - C’est comme cela que vous marchez habituellement ? Madame la présidente demande ensuite au vieux Justin de s’asseoir sur une chaise qui était placée en face d’elle. Le nez dans le dossier, la présidente du Tribunal rappelle les faits puis d’adresse au prévenu : - Monsieur, dame Ayaba, ici présente, vous accuse d’avoir volé deux poulets dans sa maison. Reconnaissez-vous les faits ? - OUI, répond Justin. - A quelle heure avez-vous volé ? - J’ai volé vers 3h du matin, répond le prévenu - Vous ne dormez donc pas ? reprend la présidente de l’audience. - NON, répond le prévenu. - Pourquoi avez-vous volé à votre âge ? - D’un geste de la main, en touchant sa bouche, Justin répond : C’est pour manger La présidente s’adresse alors la plaignante, dame Ayaba. - Madame, que voulez-vous qu’on fasse ? Dame Ayaba lui répond qu’elle ne veut plus rien. La présidente, s’adressant au public, demande si la femme et le fils du prévenu sont présents dans la salle. Personne ne répond. Après avoir entendu les réquisitions du procureur de la République qui a demandé que Justin soit condamné à un mois d’emprisonnement ferme, madame la présidente s’adressant à Justin, lui demande s’il a quelque chose à dire quant aux réquisitions du procureur. Mais Justin reste silencieux. La juge prend alors la parole et dit : - Monsieur, le tribunal vous déclare coupable de vol et vous condamne à 6 mois d’emprisonnement ferme avec mandat de dépôt. Si vous avez faim, demandez à manger mais n’allez pas voler. A l’écoute de ce verdict, la salle est en émoi, comme saisie d’une grande consternation et d’une grande tristesse. Dame Ayaba, se précipite hors de la salle d’audience et fond en larmes. « Je ne savais pas qu’ils seront si durs avec lui » « Je ne savais pas qu’ils seront si durs avec lui » ne cessait-elle de répéter. Pendant ce temps, le vieux Justin, la tête baissée, est conduit par un policier dans un fourgon qui l’amènera à la prison civile d’Abomey où il devra purger sa peine. Esaïe DAAGUE
Journaliste - chroniqueur judiciaire LEGIBENIN |
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