Ce lundi 22 janvier 2024, il sonne 17h la nouvelle se repend partout, tout le monde en parle, des coups de fils par ci et par là. Dans les cabarets, les bistros, les conducteurs de taxi moto, sous les arbres à palabre, on en parle. C’est au tour de la radio locale d’en parler également. Le lendemain, la radio nationale amplifie la nouvelle sur toute l’étendue du territoire nationale. La presse écrite titre : Drame à EPP Dassagaté, une institutrice écrase trois écoliers et blesse gravement deux autres avec sa voiture dans la cours de l’école. Maïmouna, nous l’appellerons ainsi, a environ trente ans. Elle est institutrice à l’école primaire de Dassagaté. Elle a, depuis plus de cinq ans, l’habitude de se rendre dans son école dans sa voiture à vitesse automatique. Ce jour-là, à la fin de la classe, elle se dirige vers sa voiture, ouvre la portière et invite sa collège à monter à bord. Elle démarre le véhicule qui fonce droit vers l’arrière et s’arrête net après un bruit sonore. Boum ! Le mur de l’école venait de stopper le véhicule dans sa fulgurante progression. Sur les traces du véhicule, trois corps d’enfants gisent au sol. Deux autres enfants hurlent de douleurs. Maïmouna vient d’ôter la vie à trois enfants et de blesser gravement deux autres. Triste et angoissée, elle se livre immédiatement au commissariat de Natitingou. Après quelques auditions au parquet, elle est déposée à la prison civile de Natitingou. Maïmouna a comparu ce jour 20 mars 2024 devant un impressionnant public que la salle d’audience n’a pu contenir. Le président invite Maïmouna à la Barre. Elle avance, vêtue d’un complet, composé d’une jupe longue et d’un haut recouvert d’un gilet bleu-nuit griffé prison civile de Natitingou. Son avocat se lève aussi, ainsi que les parents des victimes. Le président prend la parole : Madame, vous êtes accusée d’homicide involontaire, de blessures involontaires et de défaut d’attention. Reconnaissez-vous les faits ? Maïmouna : Oui, je reconnais les faits. Président : Que s’est-il passé ? Maïmouna fond en larmes. Elle n’arrive plus à parler. Elle balbutie quelques mots entrecoupé de sanglots. Personne ne peut vraiment l’entendre. Le président lui demande de parler fort. Le président invite ensuite les parents des victimes à venir à la barre à tour de rôle et les interroge : Que s’est-il passé et que réclamez-vous ? Les uns racontent qu’ils étaient dans leurs activités quotidiennes quand ils ont reçu un coup de fil leur annonçant l’accident. Les autres expliquent qu’ils ont plutôt surpris la scène. Les parents des victimes présents à la barre ne se constituent pas partie civile et ne réclament absolument rien. Le Président les interroge à nouveau : Après l’accident, avez-vous été assisté ? Les parents des victimes répondent oui. L’avocat de la prévenue prend la parole : Monsieur le président nous avons dans cette salle le responsable de la structure qui a assuré le véhicule en question. Je voudrais, avec votre permission, l’inviter à la barre pour qu’il nous dise où il en est par rapport au dédommagement des victimes. Le responsable de la structure d’assurance s’exprime : « Toutes les pièces sont déjà constituées et bientôt chaque victime sera contactée pour des propositions de dédommagement. » C’est au tour du procureur de la République de parler : Monsieur le président, les faits sont dramatiques et courants. Et c’est avec tristesse que je prends la parole. Les faits involontaires sont prévus et punis car ils causent des dommages qu’il faut réparer. Cette affaire s’est rependue partout parce que les personnes touchées sont des enfants de moins de 10 ans. Certains attendaient leurs parents Mais malheureusement… Si ce cas émeut, c’est à cause de l’identité de la prévenue. Maitresse-écoliers-mort. Rentrez un peu dans la peau de ces parents dont les enfants sont morts à l’école. Il faut l’avoir vécu pour comprendre réellement ce qu’ils vivent. La prévenue ici présente a été défendue par les membres de son corps. Les parents aussi ne réclament rien. Ils sont dans une démarche de pardon. Tout le monde pleure ici à la barre et il faut être inhumain et dur de cœur pour ne pas être pris par cette douleur. La psychologie des parents se comprend. Ils ont pardonné mais ils sont gênés de recevoir quelque chose pour la mort de leurs enfants car ils craignent que les gens pensent qu’ils font du commerce sur cet événement tragique. Mesdames, messieurs les parents, je vous dis, chassez cette pensée. C’est la loi qui vous donne le droit d’être indemnisé et on ne peut vous reprocher de d’obtenir un dédommagement. Il faudra prendre ce que l’assurance vous donnera. Ce sera aussi une manière de prouver que vous avez réellement pardonné. Monsieur le président, je voudrais que vous condamniez Madame Maïmouna à une peine de 24 mois d’emprisonnement dont 12 mois fermes, le reste assortis de sursis ainsi qu’à une amende de 500.000 francs. Il est vrai qu’elle a déjà une lourde sanction puisqu’elle gardera toujours l’esprit marqué au fer rouge qu’elle a brisé des vies. Je vous laisse donc le soin d’apprécier ma demande. C’est au tour de l’avocat de Maïmouna de plaider pour celle-ci. Il prend la parole : C’est avec peine que je prends la parole devant vous. Je présente mes condoléances aux parents des victimes. Les faits paraissent simples à première vue. On peut se dire tout de suite que la prévenue ne sait pas conduire. On peut aussi penser à un défaut d’entretien ayant entraîné des problèmes sur le véhicule. II n’en est rien. Maïmouna a un permis de conduire et conduit son véhicule pour se rendre à cette même école depuis plus de 5 ans. Son véhicule a été toujours bien entretenu. Ce qui s’est passé sort un peu de l’ordinaire. Ce qui s’est passé la dépasse. On pourrait aller chercher du côté obscur des choses. Mais nous resterons rationnels et cartésiens. Et, à bien y réfléchir, ce qui est arrivé peut relever d’une défaillance technique du véhicule. Cela se constate parfois, voire de plus en plus sur ce genre de véhicules automatiques. Il n’y a pas de faute qui puisse être imputée à Maïmouna. Et parlant de Maïmouna, il faut noter, monsieur le président, que vous avez devant vous une femme exemplaire qui aime les enfants et qui se dévoue à la tâche. Vous avez pu vous-même constater le soutien de ses collègues. Maïmouna était toujours prête à aider. Elle n’arrive toujours pas à comprendre elle-même qu’elle ait pu tuer tous ces enfants. Elle s’est rendue d’elle-même au commissariat. Elle n’a cessé de demander pardon. Madame Maïmouna, ma cliente a déjà une lourde peine comme l’a exprimé en sourdine monsieur le procureur. Ces morts qu’elle aura toujours, qu’on le veuille ou non, sur sa conscience, sont une croix qu’elle porte déjà. N’est-ce pas là une peine suffisante ! Outre cette grosse peine qu’elle subit déjà, la condamner à la peine requise par monsieur le procureur de la République, serait une triple peine. Subir l’emprisonnement et perdre son travail. Car, une peine d’emprisonnement ferait perdre à ma cliente son travail. Que deviendrait-elle donc dans ce cas ? Ce serait la clouer davantage. Monsieur le président, je demande l’indulgence du tribunal. Tout le monde a pardonné. Les parents des enfants ont pardonné et l’ont exprimé à plusieurs reprises. Pourquoi la justice ne pardonnerait-elle pas ? Pourquoi ne serait-elle pas indulgente elle aussi. Je demande donc que ma cliente soit condamnée uniquement à une peine d’amende assortie de sursis puisque l’article 528 du code pénal le prévoit en de pareils cas. Je demande que madame Maïmouna soit libre. Dans tous les cas elle sera toujours en prison pour avoir brisé des vies. Après plus d’une dizaines de minutes de plaidoirie, le président reprend la parole et condamne Maïmouna à 12 mois d’emprisonnement assortis de sursis et à une amende de 500 mille francs. Maïmouna essuie les larmes avec son foulard. Elle fait face aux parents des victimes et prononce un seul mot : PARDON en joignant les deux mains et en fléchissant les jambes. Le président suspend l’audience pour 15 minutes. Le public se détend. Le soulagement se lit sur les visages. Les parents des victimes sont visiblement satisfaits de la décision. La bonne personnalité de Maimouna, les bons rapports qu’elle a et sa conscience professionnelles viennent de la tirer d’une affaire qui aurait pu la conduire pour de longs mois en prison. M’Bodaloba N’TCHA
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